Xénomorphe stalinoïde


Note de Nedotykomka en réponse aux deux articles de M. Paul Cordy, L'héritage de Staline sur Doorbraak

Rendons à Staline ce qui est à Staline et à la Flandre son sous-marin jaune et noir : Ludo Martens, le Soviet suprême du PVDA, était à l’origine un militant flamand qui avait quelque peu modifié le slogan « Walen buiten » en « Bourgeois buiten. » Simple question de terminologie ou conviction sincère ? 

Personnellement, j’ai toujours pensé que Martens, de son propre chef ou instrumentalisé, avait tenté un dépassement de la cause flamande par l’extrême gauche : pour une Belgique unie, mais sous domination d’un Politburo en Flandre. Il serait intéressant de reprendre ce que Marx, Engels ou Trotski déclarèrent respectivement sur la Belgique. Point essentiel : aucun radical conséquent, qu’il soit de gauche ou de droite, ne pourrait se définir en tant que « belge » sans éclater d’un rire de mépris, le Belgium n'étant qu'une société-écran pour des intérêts privés internationaux et mal définis. 

Dans « Un autre regard sur Staline », paru en 2003, Martens nie le génocide des koulaks — selon lui une simple propagande reaganienne — comme il nie tous les crimes du stalinisme, en se basant sur quelques documents d’époque du Parti Communiste soviétique. Le plus étonnant dans son livre est sa très faible bibliographie, des pages entières proviennent de la même source. Dans mon souvenir, Martens y développait également une lecture très particulière des persécutions antisémites pendant la Seconde Guerre mondiale : en gros, les juifs riches des Etats-Unis auraient financé Hitler et ce dernier n’aurait liquidé que les juifs pauvres. A ma connaissance, jamais Martens ne fut accusé d’antisémitisme ; d’autres auraient dû s’expliquer pour moins que ça. 

Dans les années 80, le PTB refusait d’apparaître dans les médias ou de participer à des émissions télévisées — à l’époque, Rossa-Rosso et ses camarades s’exprimaient encore dans les termes d’une dialectique rigide, quasi-schizoïde, typique des marxistes authentiques, mais qui serait inaudible aujourd’hui. Au début des années 2000, peu après le retrait de Martens, l’attitude du PTB commença à changer : on peut parler d’un virage sociétal. Aujourd’hui, la manière dont Hedeboue s’exprime, son élocution de faux-barakî, n’a plus rien à voir avec le jargon des débuts. 

Si le PTB est encore stalinien, il le dissimule avec succès. Qu’en est-il dans les actes ? Peut-on considérer comme marxiste-léniniste un parti qui milite pour la sauvegarde des distributeurs de billets automatiques ? Qui se livre à de la retape pour le mouvement LGBT ? Qui accourt comme un caniche lorsque le Palais royal claque des doigts ? Hedeboue a beau gesticuler au parlement pour la cause palestinienne — plus par électoralisme, que par conviction —, on l’entend moins sur l’Europe de Bruxelles et sur sa politique de planche à billets. 

Non seulement le PVDA/PTB est aussi stalinien que Laurette Onkelinks est républicaine, mais il est moins national qu’il n’y paraît...  Tout d’abord, il faut admettre que si le PVDA est bel et bien d’origine flamande, personne ne l’écoute sur ses terres natales — à chaque élection, les résultats le prouvent. En revanche, le PVDA dispose de sections francophones à Bruxelles ; ce sont ces mêmes sections bruxelloises qui délèguent leurs apparatchiks en Wallonie… faute de recrues compétentes. En effet, alors que la Wallonie est soi-disant la région la plus à gauche, le niveau de connaissance marxiste y avoisine le néant. Parmi les membres du PTB que j'ai croisés, aucun n’avait jamais lu Marx, ni d’autres penseurs communistes. « Y’a trop d’inégalités, il faut être solidaires. » Leur discours ne vole guère plus haut... Par parenthèses, il faut remarquer que l'extrême droite belgicaine (Nation.be) présente les mêmes caractéristiques : une base intellectuelle et militante à peu près nulle en Wallonie et une direction flamando-bruxelloise, manière pour la Flandre de neutraliser la révolution en Wallonie aux deux pôles de l'aimant.

En effet, le PTB est moins nostalgique du Petit Père des Peuples que de la Belgique de Papa… d’où leur manque de consistance en dehors de la Médecine du peuple, cet emplâtre humanitaire, plus proche de Mère Teresa que des bolcheviques. Comment se dire stalinien dans un Etat qui n’en a que le nom, un Etat qui, pour ce qu’il en reste, obéit à la Flandre néolibérale ? Une politique authentiquement stalinienne exigerait une Belgique unie, et pour cela, il faudrait d’abord re-fédéraliser à rebours de toute l’Histoire, ce que la Flandre n’acceptera jamais, d’autant moins pour appliquer une politique « communiste. » Pour imposer le communisme en Belgique, il faudrait produire un Etat unitaire belge et si c’était le cas, la Flandre y serait encore plus dominante. Cui bono ? Dans tous les cas, la Flandre sort gagnante. En attendant, la politique du PTB est incapable d'empêcher l'austérité imposée par le Fédéral et ne peut que sous-traiter à la Wallonie le surplus migratoire dont la Flandre se débarrasse, tout en se goinfrant des aides européennes à nos dépens. 

Structurellement et politiquement, le PTB doit bien moins au marxisme qu'à la franc-maçonnerie — véritable nomenklatura en Wallonie, centralisée à Bruxelles, et dont une cartographie scientifique et impartiale reste à écrire — avec laquelle il partage de nombreux traits : internationalisme et islamophilie, collusion avec les syndicats, avec la laïcité institutionnelle, opacité des structures décisionnelles, entrisme et infiltration de tous les niveaux de pouvoir. Tout comme la « philosophie » maçonnique, le « communisme » du PTB apparaît singulièrement vide, de pure ostentation, et pour ainsi dire, postiche. En cela, il nous rappelle que le communisme se modèle toujours sur les réseaux dominants de la sociologie où il s’implante. 

Ainsi, le « marxisme » de Staline n’avait, au fond, pas plus de contenu que celui du PTB : il n’était que le masque d’un absolutisme qui amplifiait industriellement et électriquement les pires aspects du tsarisme, en les portant à un degré de terreur inédit : le saut quantitatif impliquait un changement de nature. Le soviétologue Alain Besançon comparait le communisme à un parasite qui enveloppe le corps de sa proie et qui sécrète un exosquelette sans aucune ressemblance anatomique avec la forme de vie qui subsiste sous cette carapace. 

Si l’on reprend cette image, que serait la Wallonie dirigée par le PTB sinon une Belgique-monstre... en admettant qu’il puisse exister quelque chose de plus monstrueux, d’encore plus ubuesque que l’entité belgicaine — la belgitude étant quelque chose comme le communisme des imbéciles.

Commentaires