Sous influence


François Roustang, jésuite devenu psychanalyste, puis spécialiste de l’hypnose, revient sur la notion d’influence dans un livre éponyme. Au contraire de la psychanalyse, l’hypnose ne recule pas à employer l’influence, la suggestion directe, voire la manipulation. 

L'auteur dresse un portrait du thérapeute américain Erickson qui le rapproche du mage, non sans une ambiguïté inquiétante. Qu’est-ce que l’influence ? Existe-t-il une éthique de l’influence ? Telles sont quelques-unes des questions soulevées par ce livre dont les lignes suivantes ne constituent qu'une approche. 

Le mot français « influence » apparaît au 13e siècle emprunté au latin médiéval comme une action attribuée aux astres sur la destinée des hommes. Cette notion astrologique ne mutera que dans la seconde moitié du 18e siècle où elle deviendra synonyme d’autorité et de prestige politique. 

A partir de 1730, écrit l’auteur, l’influence astrale disparaît de tous les écrits et se rapporte au pouvoir politique, à la religion, à la littérature, mais aussi aux goûts, aux vices, etc. C’est dans ce contexte que Condillac évacue l’astrologie. 

« Sa critique l’a conduit à mettre dans l’âme ce qui était attribué au ciel et à retirer à ce dernier le pouvoir de faire notre bonheur et notre malheur. Cette possibilité est inscrite en chacun et doit être déchiffrée d’après certains indices sur lesquels se régler. » 

De ce point de vue, la psychologie serait une traduction moderne de l’astrologie. Il reviendrait au médecin viennois Franz Anton Mesmer (1734-1815) d’avoir retraduit les anciens concepts astrobiologiques en termes expérimentaux. 

La fumeuse théorie du mesmérisme postulait un fluide magnétique animal, imprégnant tous les êtres vivants, qui aurait permis de guérir toutes les maladies à celui qui savait le capter. Aucune procédure d’enquête ne parvint à mettre en évidence un tel fluide… 

« Les successeurs de Mesmer ont dû se replier sur un autre front : admettre qu’il s’agissait bien du pouvoir de l’imagination et donc d’une force morale qui deviendra plus tard l’énergie psychique. » Le philosophe et mathématicien Pierre Maine de Biran aurait été parmi les premiers à essayer de penser le mesmérisme en termes de communication indirecte et d’indices émis en langage non verbal : intonation de la voix, intensité du regard, etc. 

Or, écrit Roustang, déceler à l’état de veille les nuances secrètes de la voix et du regard, c’est déjà se trouver dans l’état magnétique. 

« L’état magnétique ne serait que le révélateur des fils avec lesquels sont tissées à notre insu toutes les relations entre les humains. » L’influence magnétique révélerait temporairement l’existence d’une communication permanente et universelle, une sorte d’arrière-plan psychique, commun à tous les êtres vivants, proche d’un instinct animal indifférencié et qui rendrait toute communication possible. 

Le paradoxe étant que la communication ne se fonderait pas sur l’intelligence et la volonté, mais sur un ordre non spécifiquement humain. « Les hommes n’ont pour exercer leur influence, c’est-à-dire pour communiquer, que le choix entre le non-humain où ils rejoignent leur animalité et l’inhumain où l’automate est substitué au vivant. » 

Toutefois, cet « ordre pré-humain » nous apparaît tout aussi évanescent que le fluide de Mesmer. D’autre part, si l’influence est la traduction expérimentale et scientifique de notions astro-biologiques et divinatoires, on comprend mal pourquoi cette influence ne devrait se réaliser que par un en-deçà animal ou robotique... 

La divination dont parle Roustang ne consistait-elle pas en la plus vieille méthode pour communiquer avec les étoiles et entrer en contact avec le surhumain ?

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