Note de lecture sur Hawthorne par Henry James.
« Pour que la fleur de l’art s’épanouisse, il faut un terreau profond. Beaucoup d’Histoire est nécessaire pour produire un peu de littérature, sans garantie de succès. » Dans sa biographie de Nathaniel Hawthorne, Henry James décrit les Etats-Unis du début du 19e siècle comme une nation dont le nom est la seule spécificité.
En d'autres termes, un néant intellectuel – un pays de colons puritains qui se soucient peu d’esthétique, préférant brûler des sorcières, persécuter les sauvages, défricher des forêts et assurer leur prospérité.
Hawthorne, né un jour de fête nationale à Salem, Nouvelle-Angleterre, aurait été le « founding father » de la littérature américaine non par courage, mais par manque de culture, par refus d’imiter les modèles européens.
« Hawthorne qui découvre l’Italie à cinquante ans manifeste un mélange cocasse et pitoyable d’inexpérience sans innocence, de naïveté sans fraîcheur, typique du provincial dont le caractère est synonyme d’étroitesse d’esprit. »
Point de salut en dehors d’une initiation… Hawthorne le profane vécut terré chez sa mère, dans une maison spectrale, jusqu’à un âge avancé – il se maria vierge au début de la quarantaine et mourut le jour où un de ses fils se couchait dans un cercueil lors d’une cérémonie ésotérique.
La malédiction familiale dont Hawthorne se prétendait victime fut une source d’inspiration plus forte que n’importe quel savoir académique ou initiatique. C’est pourquoi nous ressentons une vive sympathie pour cet écrivain mineur : il n’écrivit que quatre romans et une poignée de nouvelles.
Hawthorne est supérieur à Edgar Poe. Plus que ce dernier, c’est peut-être lui l’inventeur du roman policier ; La maison aux sept pignons ou Le Faune de marbre en présentent la structure, sous une forme plus ample, mais sans les déductions pseudo-logiques du chevalier Dupin.
D’autre part, la métaphysique de Poe s’apparente souvent à du charlatanisme alors que Hawthorne manifeste une profonde intuition des racines du mal, comme le prouve son allégorie injustement méconnue : L’Holocauste de la terre.
Un soir sur la prairie, tous les habitants de la planète se livrent à un autodafé. Chacun apporte ce qu’il a de plus précieux et le livre aux flammes : titres de noblesse, marques d’autorité, armes à feu, guillotine, documents rares, bouteilles d’alcool… Tout flambe, y compris les manuscrits de l’auteur qui passait par là. Cet incendie propitiatoire monte au ciel sous le regard ironique d’un mystérieux homme noir.
Alors que le bourreau, l’assassin et l’alcoolique se lamentent, l’homme noir prend la parole, les yeux pleins d’éclairs : « Ne pleurez pas… l’ancien monde reviendra. Ils ont juste oublié de jeter une chose : le cœur humain. »
Hawthorne écrivait : « je suis l'homme de lettres le plus obscur d'Amérique. » Ce conte seul suffirait à lui donner raison.
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