Source : Au
commencement était la guerre par Alain Bauer, éditions Fayard, collection
Choses vues
Clausewitz subordonnait
la guerre au politique, au principe que la politique réunit en elle les
intérêts de l’administration intérieure de nations et des hommes, y compris
ceux de l’humanité. Plus précisément ceux de la Menschlichkeit, du
« sentiment d’humanité. » Ainsi pour Clausewitz, la guerre réelle, du
moins entre peuples non barbares, n’était jamais une « guerre
absolue » mais toujours limitée, retenue, par les fins politiques, et sa
conduite soumise à celles-ci.
Clausewitz
ajoutait qu’une « saine politique est défensive dans son essence. »
Toute agression illimitée dans ses fins ne pouvant que déchaîner la violence de
tous. Rien qui allait donc chez Clausewitz dans le sens de la « guerre
d’anéantissement », option du grand État-major allemand en 1914. Rien qui aille
dans le sens de la Totaler Krieg, la « guerre totale » théorisée par
le général en chef des armées allemandes de 1916 à 1918, Erich Ludendorff.
Avec la
« guerre totale », Ludendorff installa a contrario de Clausewitz la
primauté du militaire sur le politique. Chez Ludendorff perçait, non pas une
pensée de la guerre, mais un trait d’omnipotence et de destructivité qui ne met
plus la guerre « absolue » en virtualité empêchée par les fins
politiques comme chez Clausewitz, mais, au contraire, la plaçait en position
séminale ; La Paix comme finalité politique cède alors à la place à la
trêve, en intermède dans un état de guerre permanente.
Une telle guerre totale nomme tout à la fois la levée en masse de toutes les populations enrégimentées, puis sacrifiées par le pouvoir, et la guerre faite à toutes les populations adverses sans distinction civils/militaires, combattants/non-combattants. Elle englobe toutes les instrumentations qui lui servent ; à commencer par celle organisée de la propagande mensongère, notamment sur les prétendues atrocités commises par les adversaires, en effort d’exciter la rumeur, pour mobiliser « l’enthousiasme » des troupes et l’arrière des fronts ; et d’autres propagandes, pour déstabiliser les populations adverses.

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