« L’important c’est d’aimer ce qu’on fait »

 

Lorsque la grande époque qui, dans nos régions, fut l’époque de l’avilissement, deviendra enfin une époque grandiose, elle le sera pour nous quand, dans un second haut-le-cœur, nous nous débarrasserons de ce vain bazar politique en même tant que toutes les immondices de l’esprit, du bric-à-brac d’idées hors service, de tout l’inventaire de ces criminels qui pervertirent le verbe. Vienne le jour où les emblèmes d’une gloriole passée nous apparaîtront par un beau matin, tels des masques de carnaval où des visages grimés après une nuit d’insomnie, blêmes à la lumière du soleil. Mais si, dans notre générosité de fils d’homme pour l’amour d’une seule lueur de liberté, nous aimerions oublier les rêves enfiévrés de la nuit et pardonner à ceux qui, à la tête de l’État, se firent les laquais de ces idéaux meurtriers parce que leur sottise nous fait pitié, que Dieu nous retienne de gaspiller la clémence à l’égard des intermédiaires et usufruitiers du journalisme, de ces gribouilleurs qui, alors qu’on crucifiait l’humanité, écrivaient encore noir sur rouge. Et que chacune des plumes, chacun des gredins qui vantèrent et organisèrent pour nous ce bain de sang, en versent à son tour.

Karl Kraus : cette grande époque

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