L’écrivain ésotérique se dérobe à la
preuve et le fait même qu’il ne saurait énoncer la règle de son art d’écrire
sans le défaire s’inscrit dans cet horizon et signifie que nous ne disposons
que de signes et jamais de preuves, ce qui n’implique pas qu’on puisse se
dérober à la règle du jeu de devoir fournir la preuve, dès lors que l’on est
situé dans la position du discours inquisiteur de l’imputation. L’art d’écrire
ésotérique ne peut être recherché dans le discours de la preuve, ce qui est
exigible pour toute suspicion accusatrice, et n’est entendu de son destinataire
qu’à la condition de la rechercher hors de ce discours. Il renvoie presque au
langage du témoignage, ce qui est éloigné davantage de l’orthodoxie du
persécuteur et désigne le point de la plus extrême résistance, tenant
directement à un cas majeur de différend.
Gérald Sfez : Leo Strauss, lecteur de Machiavel
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