Nous sommes partis de la vanité de toutes les nobles
espérances, et nous avons cru y découvrir un perfide mystère. Mais si nous la
confrontons maintenant avec les règles de la probabilité, nous expliquerons
fort modestement le mystère qu’on pourrait appeler ironiquement l’inharmonie
préétablie de la création, par le fait que rien ne s’y oppose. L’évolution est
abandonnée à elle-même, aucun ordre intellectuel ne lui est imposé : elle
semble obéir au hasard. Si, dans ces conditions, le Vrai ne peut naître, cette
même hypothèse fonde au moins le Vraisemblable. Du même coup, à partir du
probable, nous expliquons le règne, la stabilité, l’accroissement fort
indésirable de tout ce qui est moyen. Rien là de romantique, ni même peut-être
de noir. Qu’on le veuille ou non, ce serait même plutôt une tentative
courageuse.
Robert Musil : L’Homme sans qualités
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