La mort soudaine est un arrachement indicible. En un
instant, in ictu oculi, on est absolument privé de racines. Il ne reste
plus de l’homme vivant qu’une Clairvoyance norme venue comme la foudre et cette
clairvoyance est toute son âme séparée enfin des ténèbres palpables de son
corps. Si la mort n’est pas tout à fait soudaine, si la faux grince quelque
temps sur la vertèbre, s’il faut patienter dans le vestibule de l’agonie, c’est
quand même la mort, mais savourée comme en un calice de cristal surnaturel où
se réfléchiraient toutes les images ; les pères, les mères, les épouses,
les enfants, les proches, ou les éloignés, les amis, les ennemis, tout ce qui
tint ou parut tenir une place quelconque, jusqu’à cet arbre à l’ombre duquel on
s’asseyait, jusqu’à cette pierre du chemin qui fît trébucher un jour ; et
tout cela n’est rien, éternellement rien, dans la commençante vision.
Gustave Moreau : La Parque et l'Ange de la mort
Léon Bloy : Méditation d’un solitaire en 1916
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