Source : Le Martinisme, l’Enseignement secret des Maîtres, Martinès de Pasqually, Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-Baptiste Willermoz, fondateur du Régime Écossais Rectifié par Jean-Marc Vivenza, éditions le Mercure Dauphinois.
Adam, selon Martinès de Pasqually, par sa Chute,
entraîna à sa suite le monde créé dans une horrible dépravation ; les traces
du mal y sont universellement visibles, et la souffrance, la mort, l’adversité,
les ronces, les épines et bien d’autres choses encore témoignent tragiquement
de cette sinistre réalité, comme le dit l’apôtre Paul, « toute la
création ensemble soupire » en attente de la délivrance des chaînes
auxquelles elle est assujettie (Romains 8, 19-22)
De la même manière que la Création du monde
phénoménal fut imposée à Dieu, par la révolte de certains esprits et
puissances angéliques négatives qu’il fallut contraindre, en les enfermant dans
les étroites limites de la matière, pareillement, après sa coupable
désobéissance, l’homme, qui fut condamné à mourir, a été précipité dans un
corps de chair, assujetti à une incarnation bestiale, enfermé dans une forme
dégradée, chargé d’une apparence animale grossière.
Martinès nous explique, sans détour, ne laissant
subsister aucun doute sur la teneur singulière de sa doctrine, comment s’est
produite la dégradation d’Adam, comment, alors qu’il bénéficiait d’une forme
glorieuse, il fut changé et précipité dans un corps de matière.
« Si l’on demandait encore comment s’est fait le
changement de la forme glorieuse d’Adam dans une forme de matière et si le
Créateur donna lui-même à Adam le corps de matière qu’il prit aussitôt sa
prévarication, je répondrais qu’à peine Adam eut accompli sa volonté
criminelle, le Créateur par sa toute-puissance, transmua aussitôt la forme
glorieuse du premier homme en une forme de matière passive, semblable à celle
provenue de son opération horrible. Le Créateur transmua cette forme glorieuse,
en précipitant l’homme dans les abîmes de la terre, d’où il avait sorti le
fruit de sa prévarication. L’homme vint ensuite habiter sur la terre comme le
reste des animaux, au lieu qu’avant son crime, il régnait sur cette même terre
comme homme-Dieu et sans être confondu avec elle ni avec ses habitants. »
(Traité de la réintégration des êtres, 24)
La corporalité que nous assumons, non sans souffrance,
depuis la Chute, comme nous l’expose le Traité sur la réintégration, est
donc, pour Martinès, positivement et concrètement la rançon du péché car l’opération
de création exécutée par Adam, produisit une forme de matière réalisée par
l’intermédiaire des essences spiritueuses, et deviendra la propre prison du
mineur prévaricateur qui verra, avec effroi, le fruit de son œuvre malsaine, en
quelque sorte se retourner contre lui et devenir l’instrument objectif de sa
douloureuse captivité.
Le mineur va ainsi, après avoir opéré, choir
brutalement de son état de gloire, et descendre, s’abîmer dans la « forme
générale terrestre » qu’il aura, pour sa honte et pour son action
perverse, contribué à générer et renforcer, s’incorporant, pour une durée dont
nul ne connaît le terme, si ce n’est le Créateur, au sein du chaos, car
« le corps n’est qu’un chaos pour l’âme [prison dans laquelle le mineur]
passe sa vie temporelle en punition du crime du premier homme. »
Dans la pensée martinésienne, l’enveloppe charnelle dont nous sommes honteusement couverts est donc le fruit empoisonné d’un acte scandaleux qui priva Adam, non seulement de son union et relation d’intimité avec Dieu, mais le réduisit à un état grégaire d’humiliante et fangeuse animalité : « Adam, par sa création de forme passive matérielle, a dégradé sa propre forme impassive, de laquelle devaient émaner des formes glorieuses comme la sienne, pour servir de demeure aux mineurs spirituels que le Créateur y avait envoyés. »
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