« Le guignol règne sur une histoire de pantins »

 

Le Nord-Est est la direction qu’affectionne Soljenitsyne. C’est le chemin qui conduit la Russie dans ses aîtres, chez elle, loin des « Grecs », vers la Sibérie. C’est l’inverse du chemin suivi par la Russie dans son rêve de Constantinople russe. Gogol, à la fin d’Une terrible vengeance, voyait l’horizon s’ouvrir vers le sud-est, vers les Carpathes, dans la direction de Rome. Le chemin de Soljenitsyne est l’anti-chemin, celui que Dostoïevski avait découvert in extremis dans son tout dernier Journal d’un écrivain. « Ô pays chéri, mélancolique et appauvri, pays de Kostroma ! » Avec cette ultime page, nous voilà presque dans ce pays de l’utopie, au pays de l’ascèse russe et de l’harmonie russe, au cœur mystérieux du rêve russe. Mais une page peut-elle renverser le cours de 2647 autres pages ? L’harmonie est ruinée. Le guignol règne sur une histoire de pantins. Et le Juste n’est plus, ni le village, ni la ville, ni le monde ne reposent plus sur lui.

Georges Nivat : La Roue rouge, une anti-épopée

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