Source : Différence et répétition par Gilles Deleuze, Presses Universitaires de France, collection Épiméthée.
Il appartient à l’éternel retour d’opérer la vraie
sélection parce qu’il élimine au contraire les formes moyennes et dégage
« la forme supérieure de tout ce qui est. » L’extrême n’est pas
l’identité des contraires, mais bien plutôt l’univocité du différent ; la
forme supérieure n’est pas la forme infinie, mais bien plutôt l’éternel
informel de l’éternel retour lui-même à travers les métamorphoses et les
transformations.
L’éternel retour se sert de la négation comme nachfolge,
et invente une nouvelle formule de la négation de la négation : est nié,
doit être nié, tout ce qui peut être nié. Le génie de l’éternel retour n’est
pas dans la mémoire, mais dans le gaspillage, dans l’oubli devenu actif. Tout
ce qui est négatif et tout ce qui nie, toutes ces affirmations moyennes qui
portent le négatif, tous ces pâles Oui mal venus qui sortent du non, tout ce
qui ne supporte pas l’épreuve de l’éternel retour, tout cela doit être nié.
Si l’éternel retour est une roue, encore faut-il doter
celle-ci d’un mouvement centrifuge violent, qui expulse tout ce qui
« peut » être nié, ce qui ne supporte pas l’épreuve. Nietzsche
n’annonce qu’une punition légère à ceux qui ne « croiront » pas à
l’éternel retour. Ils ne sentiront et n’auront qu’une vie fugitive. Ils se
sentiront, ils se sauront pour ce qu’ils sont : des épiphénomènes. Tel
sera leur Savoir absolu. Ainsi, la négation comme conséquence résulte de la
pleine affirmation, consume tout ce qui est négatif, et se consume elle-même au
centre mobile de l’éternel retour.
Car si l’éternel retour est un cercle, c’est la Différence qui est au centre, et le Même seulement au pourtour, cercle à chaque instant décentré, constamment tortueux, qui ne tourne qu’autour de l’inégal.
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