Immobile au centre de la roue qui tourne

 

Source : Le Soleil rouge de Raymond Abellio par Jean Parvulesco, éditions Guy Trédaniel, collection Initiation et pouvoir.

Citant le Zohar, Raymond Abellio rappelle, quelque part dans Les Yeux d’Ézéchiel sont ouverts, que la raison pour laquelle l’Ange exterminateur est dit être, aussi, l’Ange de la Miséricorde, alors qu’en fait il se peut bien qu’il fût, plutôt, l’Ange du Mal lui-même, c’est parce qu’il doit diriger et porter celui qui, en ces profondeurs, sait entendre la très secrète voix de son Maître, dans les voies du salut ultime, dans les voies immensément récompensatrices de qui saura passer les voies, les nuits, les ténèbres où il l’eût attiré lui-même, lui, l’Ange exterminateur, afin de l’y abandonner et de le faire s’y perdre sans rémission.

Il y a fort longtemps de cela, l’occasion m’avait été offerte de copier, d’après le manuscrit originel de Vers un nouveau prophétisme, le passage suivant, auquel je reviens sans cesse dans mes méditations et qui me paraît d’autant plus prégnant que la version définitive, parue successivement au Cheval ailé et chez Gallimard, est, d’évidence, plus confortée et plus limpide, bien meilleure que celle-ci, mais moins immédiate, moins inspirée, peut-être.

Il est nécessaire à présent que la bataille ait lieu et que, sur le plan temporel, elle soit totalement perdue : c’est la tragédie même du christianisme, sa tragédie fondamentale. Mais, comme toujours, crucifixion signifie à la fois mort et triomphe, transmutation. Les masses occidentales, qui avaient été catholiques dans leur majorité, seront divisées et dispersées, tout comme l’avaient été, au pied de la Croix, les vêtements de Jésus. Mais n’a-t-il pas été dit aussi que, pour sauver l’héritage de Pierre, « la tunique sans couture et faite d’un seul tissu » dont parle Saint Jean ne fut pas déchirée, et qu’elle ne le sera jamais ? Et pourtant, c’est bien cette division et cette dispersion de l’héritage de la foi qui constitue aujourd’hui le signe de la prédestination par lequel on reconnaît la vocation finale de l’Occident, et de Rome.

Car, c’est bien autour de l’ancien épicentre spirituel de leur unité déchirée que va devoir commencer à se faire la division, la dispersion décisive des masses, qui seront alors appelées à se rassembler suivant deux pôles de mobilisation tellurique : et c’est là que va se faire la ligne de rupture profonde, mais aussi le lieu de la libération et de l’élévation dernière de l’Esprit.

Au centre de la roue affolée du monde, au cœur de ce maëlstrom frénétique et noir que deviennent à présent nos dualités aspirées par le tourbillon de leur impossible annulation, l’Esprit, debout sur l’Arbre de Vie, reste, cependant, le moteur immobile du mouvement en cours, et qui s’accélère indéfiniment.

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