« D’autres ricanaient dès qu’il avait le dos tourné… »

 

L’absence de rigueur est la raison essentielle de l’échec de la plupart des alchimistes qui avaient cru pouvoir atteindre le but ultime de leur art, la régénération du Cosmos tout entier et de toutes les créatures dans l’extase. Il est vrai que les idées de Scriabine étaient perçues par une bonne partie de son entourage, de ses amis, comme un défi au bon sens, un ramassis d’absurdités et de chimères. L’un d’eux lui aurait dit un jour, paraphrasant Confucius : « Au fond, votre problème est simple, vous voulez attraper un chat noir dans une pièce obscure et qui ne s’y trouve peut-être pas. » D’autres, auxquels il avait exposé ses projets, ricanaient dès qu’il avait le dos tourné, disant entre eux qu’il voulait mettre fin au monde par sa musique : « Quand on a joué le Poème de l’extase, Scriabine était le seul à croire qu’il allait se passer quelque chose d’extraordinaire. Lui seul s’attendait après l’exécution de l’Extase à ce que tout le monde pérît sur le champ… d’extase. Mais en fait, nous sommes allés, lui compris, au restaurant où nous avons soupé avec autant de plaisir que d’appétit. Il en aurait été de même avec le Mystère : nous aurions joué, puis nous serions allés souper.

Odilon Redon : Muse sur Pégase
Manfred Kelkel : Scriabine, un musicien à la recherche de l’absolu

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